Faisant suite à divers textes diffusées sur Internet où la « présidente » du groupe « Incorm » clamait de façon violente l’authenticité présumée des œuvres de l’exposition de Tours 2009, Patricia Railing vient de lancer – toujours sur Internet – un nouvel et non moins inconditionnel éloge de cette exposition fortement contestée qui à ce jour reste dans le collimateur de la justice.
Suivant la ligne défendue depuis trois ans déjà, la prétendue authenticité des peintures présentées à Tours est affirmée comme un fait avéré et qui se trouverait ainsi hors discussion.
Ainsi le lecteur du numéro de janvier de la revue anglaise Cassone – toujours sur Internet (www.cassone-art.com) – peut croire que l’entreprise de Tours s’est déroulée en 2009 le plus normalement du monde et reste hors discussion… tandis que, sous le contrôle du Procureur de Tours, l’exposition a été fermée par la Police française, les œuvres confisquées et que l’instruction se poursuit. Madame Patricia Railing qui est l’auteure du texte dans Cassone ne peut pas prétendre ignorer ces faits si elle suit le sort des œuvres d’Alexandra Exter, car de nombreux articles parus dans la presse internationale (y compris anglaise) ont fait référence à ce fait judiciaire y associant d’ailleurs d’autres membres de l’Incorm. Pauvre lecteur anglais qui est invité à découvrir de supposés chefs-d’œuvre de l’art moderne et à qui on cache le fait que ceci est matériellement impossible car elles sont à ce jour sous scellés.
Le bref article de Cassone ne mériterait pas le commentaire s’il n’était pas truffé d’informations incorrectes et qui tend essentiellement à accréditer la thèse d’une provenance crédible, provenance qui à ce jour fait cruellement défaut aux centaines de contrefaçons mises sur le marché européen et au-delà.
Dans le texte publié par Cassone apparaît, tel le Monstre de Loch Ness, la fable des réserves pléthoriques (des « milliers d’œuvres » nous dit-on !) du Bureau Muséal Russe (alors soviétique), élucubration qui ne tient pas la route face aux archives russes, documents qui depuis 1987 ont été étudiées par plusieurs historiens d’art russes et occidentaux.
Une autre provenance fantaisiste est mise en avant – celle de la soi-dite « collection » de l’exécuteur testamentaire de l’artiste – Inno Ezratty. On est obligé de réitérer ici qu’Ezratty eut certes la tâche légale de « délivrer le leg », tandis que le leg, constitué exactement par l’ensemble de l’atelier de l’artiste y compris la documentation attenante et non moins les droits de reproduction, a été destiné explicitement à Simon Lissim, était accepté par celui-ci et lui a été effectivement remis au début des années cinquante. Tout ceci est parfaitement documenté de façon notariale, douanière, de même que sont répertoriées les œuvres qui sont passées par les mains de Lissim. Prétendre le contraire est tout simplement infondé, donc gravement préjudiciable à la vérité sur la provenance des œuvres mises en question. On se doit de réaffirmer que les œuvres litigieuses de Tours de même que bien d’autres que l’on fait circuler depuis de plusieurs années dans un certain commerce d’art européen avec la référence « atelier de l’artiste » abusent gravement de cette référence.
Le texte de Cassone ne fait à aucun moment référence au litige né de cette exposition, ne serait-ce que pour contredire la contestation de l’authenticité des œuvres présentées à Tours. Tâche aujourd’hui impossible car plusieurs expertises ont successivement confirmé l’inauthenticité des œuvres : des expertises graphologiques (trois en tout !) une expertise matérielle (juin 2009) et son corolaire « artistique » (automne 2011), c’est à dire stylistique (voir Défense de l’œuvre). Il faut aussi savoir que le dernier « complément d’expertise » incluait, une fois de plus, des analyses chimiques des pigments.
Dans ce cas, présenter l’exposition de Tours 2009 comme un évènement positif et qui plus encore marquerait « la reconnaissance de l’œuvre d’Exter » n’engage définitivement que son auteur, Patricia Railing.
On ne s’étonnera pas qu’aussi bien le contexte historique dressé par l’auteure de l’article que l’historiographie d’Exter soient truffés d’erreurs. Pour la première, on indiquera que Patricia Railing ignore ou feint d’ignorer jusqu’aux faits notoires des grandes rétrospectives moscovites des artistes de l’avant-garde telle celle de Malewicz en 1920 ou les importantes présentations posthumes de Rozanova (1918) et celle de Popova (1924).
Pour l’historiographie d’Exter, l’éloge de la redécouverte de son œuvre, à travers l’exposition de Tours 2009 – présentée comme « première exposition muséale majeure » (sic !) – est carrément loufoque. Rappelons que la bien fallacieuse exposition de Tours ne fut pas une « exposition muséale », car celle-ci n’a pas été cautionnée par une institution à statut « muséal », même si à cette occasion on a adjoint de façon indue aux salles municipales du Château de Tours le titre, manifestement usurpé, de « musée ».
La première exposition muséale en Europe Occidentale eut lieu en Italie en 1991, au musée d’art moderne de Roveretto, institution qui était la préfiguration de MART, musée d’art moderne aujourd’hui mondialement reconnu. L’exposition de 1991 a d’ailleurs pu avoir lieu car elle était précédée en 1986 par la publication d’un catalogue scientifique des œuvres d’Exter conservées au Musée Bakhrouchine de Moscou, publication qui constitue une entreprise de la plus grande probité scientifique, fait tout à fait exceptionnel en Russie à l’époque et qui reste à ce jour une référence. Cette publication fut d’ailleurs suivie en 1987 par la première rétrospective personnelle d’Exter en Russie, entreprise cette fois-ci indiscutablement muséale car organisée à Moscou par le même Musée Bakhrouchine, institution qui bénéficia à cette occasion des prêts de plusieurs musées de province.
Quant à l’éloge fait à la tout récente exposition moscovite de 2010, comme je l’ai déjà écrit à la direction du musée qui l’hébergeait, celle-ci n’était pas constituée que d’œuvres authentiques… mais aussi d’œuvres litigieuses. Il ne s’agit que de mon opinion, d’ayant droit de Simon LISSIM et donc responsable des archives et documentations que l’artiste lui a léguées.
Enfin, pour terminer sur une note plus légère on s’étonnera pas que devant un tel manque de sérieux l’auteure se trompe jusqu’à la date de la mort d’Alexandra Exter, car si en 2009 l’exposition de Tours devait, comme Patricia Railing l’écrit, « commémorer le cinquantenaire de la mort de l’artiste » Exter aurait du mourir en… 1959 tandis qu’elle est morte en 1949 ; On conclura que dans ce texte écrire n’importe quoi est coutumier de l’auteure et l’habitude de maquiller la vérité peut la conduire à défigurer les plus simples faits historiques….
Il serait indiqué que pour ne pas induire ses lecteurs dans l’erreur la rédaction de Cassone se donne la peine de consulter le site internet de notre association.
Laisser un commentaire