ALEXANDRA EXTER par Jean Chauvelin et Nadia Filatoff
À la fin de l’année 2003 paraissait à Paris, aux éditions Max Milo le volume ALEXANDRA EXTER, sous-titré MONOGRAPHIE. 1Cf. l’article de Geneviève Breerette dans Le Monde daté du 5 déc. 2003. Il avait pour auteurs Jean Chauvelin et Nadia Filatoff. Dans ce volume ont été également inclus deux textes, publiés auparavant :
- Les marionnettes de John E. Bowlt (publié en 1975)
- Alexandra Exter à Kiev de Dmytro Horbachov (1988).
Il avait pour auteurs Jean Chauvelin et Nadia Filatoff.
Dans ce volume ont été également inclus deux textes, publiés auparavant :
« Les marionnettes » de John E. Bowlt (publié en 1975)
« Alexandra Exter à Kiev » de Dmytro Horbachov (1988).
Richement illustré, ce livre n’apportait pas un nouvel éclairage sur l’œuvre de l’artiste et peu de renseignements biographiques ou artistiques inédite. 2À part de nombreuses erreurs biographiques, il y manque des éléments essentiels de la carrière d’Alexandra Exter telle sa grande exposition moscovite de plus d’une centaine d’œuvres qui fut considérée comme une rétrospective personnelle, le séjour à Odessa, pourtant déjà bien étudiée, son exposition personnelle en Angleterre et autres. Par contre on y trouvait une grande quantité d’œuvres auparavant inconnues ; celles-ci étaient intercalées avec des œuvres connues, répertoriées et appartenant dans la plupart des cas à des collections publiques russes ou occidentales, dûment recensées.
La démonstration commence par la couverture sur laquelle figure une œuvre abstraite (ill. 115 dans le livre, p. 132), inconnue et dotée d’une signature, également inconnue à ce jour.
Il serait trop fastidieux de commenter en détail chacune des « œuvres » nouvelles mises en circulation par cette publication.
Quelques remarques s’imposent toutefois d’emblée :
À l’exception de deux œuvres théâtrales (et on remarquera qu’il s’agit de gouaches de petite taille, sur papier, de surcroît non signées) toutes ces œuvres « nouvelles », donc inconnues auparavant, portent la référence « collection privée ». Elles ne sont pas documentées de façon historique, du vivant de l’artiste ou de celui de l’héritier de son œuvre – Simon Lissim (mort en 1981), car aucune des œuvres signées ne provient de l’héritage Lissim, ou ne figure dans les archives de l’artiste ni dans celles de son héritier.
À part l’aspect stylistiquement incohérent et des erreurs stylistiques (voir plus loin) que l’on trouve dans certaines œuvres, pour ne pas parler de l’exécution des formes qui surprend par la différence avec ce que l’on connaît du travail rigoureux d’Alexandra Exter, ou de sa manière de peindre, on remarquera des séries d’œuvres auparavant inconnues dans la création de l’artiste : par exemple des projets de costumes théâtraux (pour Roméo et Juliette, hiver 1920-1921) peints à l’huile sur toile (on n’en connaissait pas à ce jour, et pour cause, car c’est antinomique avec la destination de l’œuvre).
Des séries de compositions abstraites, s’inspirant d’autres compositions (abstraites) connues de l’artiste, or Exter ne travaillait pas par « séries ».
Des « variantes » d’œuvres – cubistes, futuristes, abstraites toutes signées (tandis que les versions originales ne le sont que très exceptionnellement) et dont l’exécution ne correspond pas à la manière de l’artiste.
Exemple d’erreur stylistique
À la page 229 figure une « étude » pour une œuvre bien connue de l’artiste – Construction de 1923 (96 x 96 cm, conservée au MOMA de New York, œuvre qui faisait partie de l’héritage Lissim et provient ainsi directement de l’atelier de l’artiste). D’autres « variantes » de cette composition sont apparues depuis 2003. Or ces œuvres portent une signature qui est inscrite incorrectement par rapport à la composition, c’est à dire qui fait pivoter l’orientation de cette composition de 90°. Cette anomalie s’explique facilement par une erreur dans l’accrochage de la peinture d’Exter au MOMA, erreur intervenue vers le milieu des années quatre-vingt et qui a été corrigée seulement à la fin de l’année 2008 (voir l’accrochage et la reproduction dans le catalogue dans la récente exposition Rodchenko-Popova : Defining Constructivism, Tate Modern, Londres 2009).
Les signatures proposées
À la fin du volume – page 413 – on trouve un tableau de référence comportant 5 signatures. Pour seul commentaire on peut lire cette annonce : « à des rares exceptions, les œuvres d’Alexandra Exter sont signées ou monogrammées soit en latin soit en cyrillique » (le seraient-elles autrement ?).
Contrairement aux règles d’un travail professionnel de documentation, digne de ce nom, les cinq signatures proposées à cet endroit de l’ouvrage ne sont accompagnées d’aucune référence bibliographique ni documentaire, d’aucune référence vérifiable quant à la source de l’information, ni même par rapport aux œuvres desquelles elles proviennent.
En conclusion
- on ne sait pas de quelles œuvres proviennent les nouvelles signatures
- aucune ne provient d’une collection publique répertoriée
- aucune référence historique ou documentaire n’est fournie
- aucune référence aux œuvres connues et/ou répertoriées du vivant de l’artiste ou de son héritier Simon Lissim n’est non plus donnée.
Force est donc de considérer ces signatures comme hypothétiques et, de toute façon, elles exigent vérification, ce qu’on a été obligé de faire lors de l’examen de certaines, parmi les « nouvelles » œuvres lorsque celles-ci ont été exposées ou mises en vente. (Vérifications et étude graphologique pratiquées une première fois à Paris au début de l’été 2006).
La 2nd et la 5ème signature (de haut en bas sur la page 413) sont « neuves », c’est-à-dire n’ont pas été connues dans l’œuvre de l’artiste telle que répertoriée auparavant avant la date de la publication (2003). De surcroît, ces deux signatures accompagnent des œuvres, indiquées comme se trouvant toutes dans des « collections privées », connues des seuls auteurs de la publication, car jamais exposées ni publiées auparavant.
L’examen graphologique de la signature n° 2 pratiqué par Madame Petit de Mirbeck, expert graphologue auprès de la Cour d’Appel de Paris a aboutit à la conclusion qu’il ne s’agit pas à proprement parler d’une signature mais d’une calligraphie. 3Un recensement d’autres signatures sera fourni sur le site internet de l’association Alexandra Exter d’ici peu, la mise en ligne ayant été retardée en raison de l’action des autorités de justice de Tours suite à une plainte contre X ayant aboutie à la saisies de l’exposition Exter présentée au Château de Tours fin janvier 2009.
Œuvres publiées dans l’ouvrage de 2003 et dont l’attribution est mise ici en question :
Devant l’impossibilité d’examiner toutes les nouvelles œuvres publiées dans ce livre, le commentaire qui est livré ici se limite aux celles œuvres dont l’aspect stylistique est univoque et/ou qui étaient accessibles au cours des dernières années (le plus souvent en raison des ventes publiques où elles ont été présentées).
La liste ici présentée est constituée d’une première ébauche d’un répertoire destiné à être complété dans l’avenir ; elle se réfère aux illustrations de la publication de 2003, signalées par le n° d’illustration et page. L’astérisque indique que l’œuvre appartient à une série qui figure dans l’exposition de Tours 2009 :
12*/p.34 13*/p.35 14*/p. 36 15*/p.37 16*/p.38 19*/p .45
21*/p.48 22*/p.49 25*/p.53 26*/p.54 27*/p.54 41*/p.67
42*/p.68 48*/p.77 52*/p.79 54*/p.81 57*/p.84 71*/p.93
87*/p.107 88*/p.108 89*/p.109 90/p.110 96/p.116 109*/p.125
110*/p.126 111*/p.127 112*/p.128 113*/p.129 115*/p.132-3
121*/p.141
126*/p.147 129*/p.149 135*/p.154 142*/p.162 144*/p.166
145*/p.167 150*/p.174 151*/p.175 193/p.211 217*/p.229
221*/p.235 227/p.238 228/p.239 231/p.241 232/p.242 251/p.258
312/p.333 331/p.351 341/p.357 342/p.357 345/p.358 367/p.404 368/p.405
Les illustrations 255*/pages 264-271 ont été présentées à l’exposition de Tours 2009, les inscriptions ont été rejetées par l’étude graphologique pratiquée en février 2009.
L’illustration 267 p. 277 pose la question d’une signature qui semble repassée sur une inscription au crayon. La question reste ouverte jusque l’examen de l’original.
Note : plusieurs parmi ces œuvres, de même que leurs « versions » ou « variantes » constituant ainsi de larges séries ont circulé dans de nombreuses ventes publiques ou dans des galeries commerciales qui sont répertoriées séparément (voir les sections : ventes publiques et collections, et commentaire de l’exposition de Tours, 2009).
Aleksandra Ekster : cvetovye ritmy /Alexandra Exter, Farbrythmen par Georgij Kowalenko, Gos. Russkij Muzej, Palace Editions, Saint Petersbourg, 2001
Cette autre publication contenant de nombreuses œuvres dont l’attribution est mise en question pour deux raisons est à signaler.
Les reproductions incluses dans cette publication appellent des réserves fondamentales en raison de leur aspect stylistique et surtout en raison d’une provenance fantasmée qui discrédite d’autant ces attributions. L’ouvrage en question est commenté dans la partie Provenances fantasmées de ce site.
L’exposition Alexandra Exter présentée par le Musée d’Art Contemporain de Moscou a été accompagnée de la publication d’un livre intitulé Alexandra Exter et dont l’auteur est Georgy Kovalenko. Dans un volumineux ouvrage de 304 pages l’auteur reproduit une grande quantité d’œuvres dont l’attribution à Alexandra Exter a déjà été commentée sur ce site ou mériterait de l’être car plusieurs parmi ces attributions ne paraissent pas acceptables.
Sur les pages 137 à 146 figurent 23 gouaches dites « Rythme de couleurs » que l’on connaît déjà de précédentes publications, il en est de même pour la toile Ville, 1911, p. 64 et Les ponts de Paris, 1912, p. 86-87 pour ne citer que les plus connus.
Il en est de même pour La nature morte, 1914 de la page 120 « œuvre » qui s’apparente en tout point aux imitations présentées à l’exposition de Tours. Quant aux compositions abstraites on signalera les illustrations p. 150, p. 159, p. 161, p. 162, p. 168, p. 178-179, et d’autres. Une seule parmi ces œuvres figurait à l’exposition de Moscou, sa juxtaposition avec des œuvres indiscutables de l’artiste offrait une excellente occasion pour voir les différences. Ce qui choque également dans ce livre c’est la qualité de certaines reproductions dans la première partie de l’ouvrage où les couleurs « noircies » à souhait sont totalement dénaturées, à tel point qu’on se pose la question des raisons de cet aspect des reproductions et des raisons qui ont pu pousser un auteur à présenter des illustrations aussi déformées que celles en pages 83, 101, 105, 115 et 128. Un deuxième volume de cette publication a été également annoncé mais il n’est pas paru à ce jour.