Au début du mois de juillet un scandale secouait la scène artistique russe : l’authenticité d’un ensemble de peintures modernes offertes au musée de Rostov (Fédération de Russie) fut contestée. En raison de la personne du donateur, un émigré russe de Londres, collectionneur bien connu, car bien lancé sur les réseaux de l’émigration russe « blanche », cet événement a été largement médiatisé en Russie par de nombreux articles, interviews et émissions de télévision. Parmi les œuvres offertes figurent un tableau prétendument de Georges Braque (qui serait daté des années 1923-24), un autre d’Ilia Machkov (de 1918 ?) et une toile abstraite qui serait de la période 1917-1918 et qui porte une signature que l’on prétend être de la main d’Alexandra Exter.
Des historiens moscovites de l’art russe s’insurgèrent en dénonçant des faux, en particulier les peintures évoquées plus haut. Parmi les contestataires figure Andréi Sarabianov, un des rédacteurs de la dernière Encyclopédie de l’art moderne russe (plusieurs volumes, Moscou 2015 et 2016), ouvrage disponible depuis 2016 en version française.
La discussion concernant l’authenticité de l’œuvre attribuée à Alexandra Exter a atteint notre Association également, car le musée de Rostov nous a contacté. Nous lui avons envoyé le text qui suit :
En réponse à votre question concernant une peinture abstraite attribuée à Alexandra Exter qui a été offerte à votre musée je me dois de porter à votre attention les faits suivants :
Quelques mois avant sa mort (à Paris au mois de mars 1949) Exter a transmis par testament enregistré auprès d’un notaire parisien les œuvres qui restaient dans son atelier et les documents qui s’y rapportaient à Simon Lissim (1900-1981). Lissim était un ami russe de l’artiste, peinture lui-même, émigré aux USA et qui alors vivait à New York (il était déjà devenu citoyen américain). Ainsi en 1951, Lissim prit procession d’un ensemble où, à part les œuvres d’Exter, il y avait aussi quelques œuvres de ses amis. [ Lire la suite…]
Ce texte figure en version russe sur le site du Musée de Rostov Velikij : ren.tv/novosti/2017-07-27/patovaya-situaciya-podarennye-rostovskomu-kremlyu-kartiny-okazalis-poddelkami
Nous joignons à ce dossier la traduction française d’un des articles russes, les plus complets, à ce sujet :
Cadeaux et faux tableaux par Mikhaïl Zolotonosov
La fin du scandale des faux tableaux de Lobanov-Rostovsky a été marquée par l’annonce publiée sur le site du musée d’État « Kremlin de Rostov » le 21 juin 2017 :
Conformément à l’ordre du Ministère de la culture de la Fédération de Russie № 1224 du 20 juin 2017 trois fausses peintures offertes par N. D. Lobanov-Rostovsky au musée d’État « Kremlin de Rostov » ont été exclues du fonds muséal de la Fédération de Russie.
[…] Le 14 juillet 2017 les conclusions des experts ont été publiées sur le site du musée-domaine d’État (MDE) « Kremlin de Rostov ». Dans sa correspondance avec un correspondant du journal Commerçant, N. D. Lobanov-Rostovsky a reconnu le 15 juillet le fait d’avoir transmis ces tableaux, ainsi qu’il a ultérieurement confirmé dans sa correspondance avec un représentant du musée qu’il ne contestait pas les résultats de l’expertise.
L’atteinte à la réputation ainsi qu’un dommage matériel causés par cet incident au MDE « Kremlin de Rostov » ne seront probablement pas réparés.
« Tu l’as voulu, Georges Dandin ! »
Le scandale en question a commencé le 6 juin 2017. Ce jour-là Nikita Dmitrievitch Lobanov-Rostovsky, né en 1935, citoyen russe et des États-Unis, résidant à Londres est devenu un nouveau personnage de la presse « people ». Avant cet épisode il était déjà connu auprès des historiens de l’art en tant que collectionneur de l’art russe. Il était également connu pour ses tentatives incessantes de redorer le blason de sa famille princière dont les origines remonteraient au XVème siècle. [ Lire la suite…]
Comme on le verra de notre texte le donateur de cet ensemble de peintures (et documents en échange de quoi il recevait une résidence de la ville de Rostov) est bien connu de nos chroniques. Il ne cesse de publier des articles et interviews où les mérites de sa personne sont propulsés à des niveaux peu communs… Ainsi dans un dernier livre, paru il y a quelques mois à peine à Moscou, nous trouvons une fois de plus des affabulations mensongères concernant l’héritage d’Alexandra Exter et en particulier le sort de ses archives.
Cf. Никитa Лобанов-Ростовскии « Рюрикович в эмиграции», Moscou 2017 (Nikita Lobanov-Rostovsky un – membre – de la famille Riourik parmi les émigrés »).
L’affaire de Rostov nous fait comprendre aujourd’hui l’utilité d’une pareille désinformation.
Les rapports de l’auteur de ces publications avec le groupe « Incorm » et autres « experts » auto-proclamés palissent néanmoins devant la gravité de l’affaire de Rostov.
Depuis la publication des premiers articles de nombreux autres – commentaires, réfutations (par Lobanov-Rostovsky et, entre autres, par des membres du – défunt ? – Incorm – i.e. Dzhafarova) paraissent à une cadence accélérée. Nous attendons les résultats des analyses moscovites et, en particulier, la radiographie de la peinture attribuée à Exter. Ce document devrait nous parvenir avant la fin du mois d’août. Nous ne manquerons pas de le commenter dans les pages de notre blog.
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