Une vie mouvementée
La vie et la carrière artistique d’Alexandra Exter (1882-1949) ont été riches en rebondissements dramatiques. Après des débuts prometteurs à Kiev, à Moscou et à Paris, où elle se situa d’emblée au cœur de l’actualité moderniste, la jeune cubo-futuriste allait retourner en Russie en août 1914. à partir de 1915, sa création connut une vraie notoriété : décorateur théâtral de talent et peintre abstrait d’originalité authentique, en 1917 elle occupe le devant de la scène moscovite aussi bien picturale que théâtrale. La révolution et la guerre civile qu’elle dut endurer à Kiev et à Odessa laisseront des traces indélébiles sur sa personne. Une importante partie de sa création picturale fut également détruite. Ainsi, à ce jour, sa création théâtrale, largement acclamée en Europe Occidentale au cours des années vingt, reste mieux connue que son œuvre picturale, dont d’importants jalons manquent à jamais.
En 1924, l’artiste réussi à émigrer en France, pays où elle avait déjà régulièrement séjourné avant août 1914. La désaffectation de l’intérêt pour l’art abstrait qui s’accentuait à Paris au cours des années vingt de même qu’un état de santé déficient allaient assombrir la fin de la vie de l’artiste. à la fin des années trente, elle accomplit encore une œuvre originale de décor bibliophilique, œuvre qui reste à découvrir. Faisant face à une véritable déchéance matérielle, à la fin de sa vie Exter allait néanmoins prendre soin de son œuvre : ayant restauré ses peintures, elle légua, en décembre 1948, ses archives, le contenu de son atelier ainsi que l’exercice du droit moral au peintre Simon Lissim, expatrié russe comme elle et devenu à ce moment citoyen des états-Unis. Grâce à l’infatigable énergie de cet ami dévoué, au cours des années cinquante et soixante, l’œuvre d’Exter retrouva peu à peu le chemin des collections muséales nord-américaines et anglaises auxquelles son héritier fit don de nombreuses œuvres, ce en ayant parfois recours à des stratagèmes subtils.
La première exposition posthume
Ayant découvert en 1970 la collection de Simon Lissim, j’organisais en 1972 à Paris la première exposition posthume de l’artiste. Je publiais à l’occasion une monographie, livre qui se voulait hommage et suite de la monographie berlinoise (1922) du critique russe Jacov Tugenhold, ami et premier hagiographe de l’artiste. En 1974, une exposition théâtrale dédiée à Alexandra Exter eut lieu au Lincoln Center de New York. L’audience de son œuvre s’élargissait finalement au grand public.
Bannie par la censure idéologique, la création d’Alexandra Exter restait pourtant ignorée en Russie. La chute du régime soviétique permit à l’œuvre du peintre de réintégrer peu à peu la mémoire culturelle de son propre pays : à l’automne 1987, la première exposition personnelle russe d’Exter eut lieu au musée théâtral de Moscou. Je fus heureux d’aider le jeune organisateur de l’exposition pour réunir une documentation biographique et iconographique qui fut publiée tant bien que mal à Moscou en 1993 sous la forme d’un album monographique.
Le legs du droit moral
Tout au long des dernières années de sa vie, Simon Lissim (1900-1981) encouragea les recherches dédiées à Exter et les miennes en particulier. Peu avant sa mort il me légua les archives de l’artiste. Pour me permettre d’assurer la défense de son œuvre et mon rôle de gardien de l’intégrité et de l’authenticité de son œuvre, il me confia la palette de l’artiste. Afin que je puisse travailler à un catalogue raisonné de ses œuvres, Simon Lissim m’a également cédé l’ensemble des archives d’Exter qu’il avait reçues de l’artiste, de même que ses propres archives liées à l’œuvre d’Exter. Il me donnait ainsi toutes ses recherches et ce que l’artiste lui avait légué pour me mettre en mesure d’accomplir la rude tâche de veiller sur cette œuvre.
La création de l’association
Soucieux de la sauvegarde de la mémoire de l’artiste de même que de l’authenticité de son message artistique, j’ai sollicité récemment l’attention de personnes compétentes, conscientes de la valeur de la création d’Alexandra Exter et de la nécessité de sa sauvegarde. Accomplissant l’ancien vœu de Simon Lissim, une association « Alexandra Exter » fut crée à Paris au début du mois de septembre 2000. Son but est de faire connaître l’œuvre de l’artiste et de défendre l’intégrité de son message artistique.
L’association se propose de faciliter les contacts de chercheurs compétents, de même que de stimuler les entreprises de qualité de tout ordre dont le but est la mise en valeur de l’œuvre d’Alexandra Exter. Elle a aussi pour devoir de mener à bien le répertoire des œuvres déjà ébauché par Simon Lissim. La convergence d’informations valables dont l’association se propose de devenir le dépositaire et le pivot de diffusion ne pourra que bénéficier à la connaissance et au rayonnement de l’œuvre.
De par ses ramifications internationales, la création d’Alexandra Exter appelle des contacts de nature mondiale. Dès ses débuts artistiques, cette artiste appartenait à une mouvance moderniste qui n’était limitée par aucune frontière nationale : avant 1914 ses séjours parisiens et ses amitiés italiennes et allemandes allaient se démultiplier ; installée durablement à Paris en 1924 elle enseigna dans cette ville, réalisa des décors en Allemagne, en Angleterre et en Italie, exposa à Paris, Berlin, Prague, Vienne et Venise, eut des élèves russes, français, américains, tchèques ou cubains. Non moins varié est aujourd’hui l’éventail des lieux et des personnes que cette œuvre intéresse. Aider tous à mieux connaître la création d’Alexandra Exter, tel est le but de l’association.
Andréi Nakov, président de l’Association Alexandra Exter
Siège de l’association : 1, villa Seurat, 75014 Paris, France